Batiactu – 24 Novembre 2016

Presse
24 novembre 2016

Travailleurs détachés, sous-traitance en cascade, carte professionnelle du BTP, gestion des accès… les problématiques du contrôle des salariés sur un chantier sont multiples. Un an après la version 1.0 de l’application Bativigie, Frédéric Pradal, son créateur, fait le point avec Batiactu sur les progrès réalisés dans le domaine de la lutte contre le travail illégal. 

Où en est-on de la lutte contre le travail illégal sur les chantiers ?

 L’application Bativigie est une solution de terrain, qui allie une application pour smartphone et un service de gestion de base de données, destinée à vérifier la régularité des ouvriers sur les chantiers de construction. Il y a un an, sur le salon Batimat, Frédéric Pradal et son épouse nous présentaient cette innovation. Mais où en est la société aujourd’hui ? « Nous nous sommes structurés, nous sommes passés de la version 1.0 à la version 2.0 en juin 2016 et nous nous apprêtons à lancer la v.3 qui intègre la lecture du QR Code de la carte professionnelle du BTP qui doit être prochainement déployée », nous relate le directeur général. Grâce à la lecture de ce document – dont l’arrivée est prévue dans certaines régions au début de 2017 – le maître d’ouvrage (ou la personne chargée d’effectuer un contrôle en son nom) pourra savoir instantanément qui est présent sur son chantier. En cas d’identification problématique, avec un profil ne correspondant pas aux salariés prévus par les entreprises intervenant sur le site, une alerte d’incident est immédiatement générée. Signifiée au responsable elle lui laisse 48 heures pour régulariser la situation avec l’entreprise incriminée. 

« Dans le cas d’entreprise étrangère, il existe douze points de contrôle sur les rémunérations, les frais d’hébergement et les frais de repas des travailleurs. Et on se rend parfois compte qu’il y a des ouvriers à 4 ou 4,5 € de l’heure sur les chantiers. Nous leur refusons donc l’accès. En cas de doute, nous demandons davantage de pièces justificatives », assure Frédéric Pradal. Car le but est d’éliminer la concurrence déloyale et d’assainir le secteur en disposant d’employés conformes à la réglementation. « Il y a une évolution des mentalités des maîtres d’ouvrage qui ont compris qu’il fallait agir. Et des lois sont sorties, avec leurs décrets d’application, comme la loi Macron ou la loi el Khomri. L’ensemble des acteurs politiques ont la même ligne de conduite : lutter contre le travail illégal », raconte le directeur général.

« Au début, les ouvriers sur les chantiers étaient méfiants »

Du côté de l’Europe, la directive sur le travail détaché devrait, selon toute vraisemblance, être révisée, mais le processus sera long, peut-être un ou deux ans, avance le spécialiste. « Mais la démarche est lancée, et la logique veut qu’à travail égal on touche un salaire égal », résume-t-il. Face à la solution de contrôle Bativigie, Frédéric Pradal évoque la réaction des ouvriers sur le terrain : « Au début, ils étaient méfiants. Mais ils comprennent vite que c’est leur intérêt de défendre leur travail et de permettre aux travailleurs étrangers d’être traités comme les nationaux ».

Commercialement, où en est l’application ? « Nous faisons connaître le produit et nous avons des contrats réguliers avec plusieurs grands bureaux de contrôle : Dekra, Veritas, Socotec… C’est un gage de sérieux. Ils proposent, depuis la mi-octobre, une option de lutte contre le travail illégal intégrant la location de notre plateforme Bativigie à leur mission Coordination SPS ». Pour l’heure, la solution est utilisée sur 2.000 chantiers environ, sur tout le territoire. Mais Bativigie a de grandes ambitions : « 2017 sera l’année de l’explosion de la demande : nous prévoyons de passer à 6.000 chantiers et nous recrutons en prévision », précise le directeur général. Les effectifs de la PME pourraient ainsi passer de cinq à vingt permanents. La demande devrait en effet croître tout comme les domaines d’application. Après les chantiers de logements, moins bien contrôlés que les grosses opérations de tertiaire menée par des majors, la société envisage de se tourner vers le monde des travaux publics et des infrastructures de transport. D’autant que la solution n’a, pour l’heure, aucune concurrence, ni en France, ni même au niveau européen. A tel point que d’autres pays, également touchés par la problématique de travail illégal, se montreraient intéressés, comme la Belgique, l’Allemagne ou le Luxembourg. « Nous souhaitons nous consacrer d’abord au territoire français et au BTP », nous assure Frédéric Pradal. « Le marché des contrôles est évalué à 200 M€ », ajoute-t-il.

Faciliter les contrôles de l’inspection du travail

« Nous sommes vraiment complémentaires de la carte professionnelle du BTP. L’intérêt pour notre solution a radicalement changé avec la prise de conscience des maîtres d’ouvrage qui doivent être vigilants : ils risquent du pénal », conclut le directeur général de Bativigie. Au-delà de la preuve de bonne foi de la maîtrise d’ouvrage sur la situation régulière des intervenants (y compris les sous-traitants), la solution facilite également les interventions de l’inspection du travail qui disposent de rapports circonstanciés facilement édités, plutôt que d’un registre du personnel rarement tenu à jour. « Nous archivons les données sur cinq ans, car les contrôles URSSAF peuvent être faits un an après la fin du chantier », note-t-il. La prochaine étape, pour la PME, sera de normaliser ses procédures suivant un référentiel ISO, sans doute en 2017. L’aventure se poursuit sous les meilleurs auspices.

Par Grégoire Noble